Réforme des pensions : illusions ou coup de maître de la part du nouveau gouvernement Arizona ?
La Belgique a depuis ce 3 février un nouveau gouvernement dirigé par Bart de Wever. Au programme, de nombreuses réformes ainsi que de nouveaux changements en ce qui concerne les pensions des Belges. En quoi consistent-elles et quel impact vont-elles avoir sur nos ouvriers ?

Un accord gouvernemental a été conclu ce 31 janvier dernier concernant les plans du nouveau gouvernement Arizona envers nos pensions. Premier changement observable, et d’ailleurs déjà mis en vigueur : l’âge de la retraite, passant de 65 ans à 66 ans depuis ce 1er janvier 2025. Il ne fera qu’augmenter afin d’atteindre les 67 ans en 2030. Une autre mesure envisagée est de réduire de 2 % par an la pension des retraites anticipées. Ce malus va augmenter progressivement. En effet, il passera à 4 % après 2030, puis à 5 % après 2040, ce qui devrait décourager les personnes de quitter leur emploi plus tôt.
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Avantage cependant pour les longues carrières, il sera possible de partir à la retraite dès 62 ans à condition d’avoir travaillé pendant 42 ans. Autre point bonus, la possibilité de travailler à temps partiel tout en touchant un complément de pension afin de pouvoir quitter le monde du travail de manière progressive.
Toutes ces initiatives semblent bien belles et pertinentes sur papiers, mais qu’en est-il des opinions des travailleurs de première ligne, ceux qui seront directement touchés par ces nouvelles mesures qui ne font clairement pas l’unanimité aux yeux de tout le monde.
Nous avons donc rencontré Audrey P., 41 ans, qui travaille depuis 20 ans au parlement européen en tant que serveuse.
Depuis combien de temps exercez-vous ce métier ? Et en quoi consiste-t-il ?
Je fais ça depuis 20 ans. Et maintenant, je sers, je prépare les salles, je prépare des commandes pour les membres du Parlement.
Votre travail est-il physiquement exigeant ? Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez au quotidien ?
Oui, cette tâche est très physique, car je dois souvent transporter des packs de bru en verre, des packs de 18 bouteilles. Je dois pousser des chariots. Et vu que le Parlement est assez grand, je peux arriver à faire 25 000 pas par jour.
Avez-vous constaté une augmentation de la fatigue avec l’âge ?
Oui, c’est certain. Je n’ai clairement plus les mêmes capacités physiques qu’à 20 ans. D’autant plus que je dois me lever tout les jours à 5 heures du matin pour arriver à l’heure. Parfois quand je dois faire des heures supplémentaires, je rentre à 22 heure chez moi, je vous laisse faire le calcul. Ce rythme n’est pas tenable.
Pensez-vous pouvoir exercer votre métier jusqu’à 66 ans ou plus ?
Absolument pas. J’ai certains collègues qui sont encore présents, mais ne font plus le même travail. Ils ont un travail adapté.
« Je pense que ces personnes devraient venir passer une journée dans notre service pour se rendre compte que ce sera impossible de tenir jusqu’à 67 ans. »
Audrey prade, ouvrière.
Connaissez-vous des collègues qui ont dû arrêter avant l’âge de la retraite en raison de problèmes de santé ?
Oui. J’ai un collègue qui, l’année passée, a dû arrêter. Il avait à peine 50 ans, et il souffrait de problèmes de santé, plus précisément au niveau des épaules et aux genoux. En même temps ce n’est pas étonnant. Nos articulations sont les plus vites touchées à force de faire les mêmes mouvements tout les jours.
Y a-t-il des mesures ou aménagements mis en place sur votre lieu de travail pour les travailleurs vieillissants ?
Effectivement, comme je disais auparavant, ils essayent à ce moment-là de nous mettre plus dans un bar, où c’est moins agité. Ça reste quand même malgré tout fatigant, mais pas trop physique au niveau des charges lourdes.
Comment percevez-vous les décisions politiques sur les retraites ? Pensez-vous qu’elles prennent en compte la réalité du travail des ouvriers ?
En aucun cas. Je pense que ces personnes devraient venir passer une journée dans notre service pour se rendre compte que ce sera impossible de tenir jusqu’à 67 ans. Moi, je ne me vois pas, en tout cas.
Et comment percevez-vous les décisions politiques sur la retraite ?
Moi, en ce qui me concerne, ayant commencé à travailler dès mes 18 ans, je vais atteindre 42 ans de carrière à l’âge de 60 ans. Pour ma part, ça me conviendrait à ce moment-là, mais je peux comprendre que, pour des personnes qui ont fait des études jusqu’à passer 20 ans, elles n’auront pas l’occasion de pouvoir prendre leur pension aussitôt dans le cadre de métiers aussi lourds que le mien.
Pensez-vous que c’est possible de faire ce genre de travail jusqu’à 60 ans ?
À un moment donné, on va devoir m’envoyer ailleurs, parce que, même si j’ai à peine 42 ans, je commence déjà à sentir plus de douleurs physiques qu’il y a 10 ans.
Quelles seraient, selon vous, les vraies solutions pour assurer un système de retraite juste et viable ?
En ce qui me concerne, une des solutions qui serait idéales, c’est de nous laisser travailler en fin de carrière en mi-temps, mais d’avoir une compensation en conservant notre salaire actuel.
Est-ce que vous croyez que les politiciens connaissent vraiment les conditions de travail des ouvriers ? Absolument pas puisque je les sers. Donc, pour moi, non. Ils ne se rendent pas du tout compte. Il est vrai que, lorsqu’on en rencontre certains, ils font preuve de compréhension, mais, non, je pense qu’ils doivent le tester pour le comprendre.