La résistance des habitants du canal face à la gentrification
Quand l’art devient résistance : avec Récits de Ville, les habitants du canal dénoncent une gentrification qui les éloigne de chez eux.
Molenbeek, Sainte-Catherine, Rogier… Autour du canal de Bruxelles, le paysage urbain se transforme sous l’effet d’un phénomène bien connu : la gentrification. Derrière les façades rénovées et les nouveaux commerces branchés, des habitants luttent pour préserver leur identité locale.
Le long du canal de Bruxelles, les grues s’activent, les immeubles se modernisent et les loyers s’envolent. Ce qui était autrefois un quartier populaire se voit changer de manière progressive. De nouveaux commerces et infrastructures apparaissent, attirant une population plus aisée. Ces transformations ont pour conséquence directe que les habitants historiques, incapables de suivre le rythme, voient leurs repères disparaître peu à peu. La pression immobilière pousse les familles modestes vers la périphérie, éloignées de leur cadre de vie habituel.
« On veut améliorer l’image du quartier, mais pour qui ? » s’interroge Oumayma. Les parcs sont réaménagés, les rues embellies, mais derrière ces travaux, les services de proximité disparaissent et les logements deviennent inaccessibles pour ceux qui y vivaient depuis toujours. « Les rénovations sont souvent superficielles et semblent avant tout destinées à attirer une population plus aisée », constate-t-elle.
“Mais avec la rénovation du canal, les bâtiment de rogier, saint Catherine, je me pose une seul question : combien de temps nous reste t’il dans notre quartier avant d’être chasser ? “
Un projet artistique pour éveiller les consciences
Malgré tous les changements, certains habitants ont choisi de résister à travers l’art. C’est le cas d’Oumayma, une participante au projet d’éducation permanente « Récits de ville », porté par l’association Ras El Hanout. Ce projet, qui rassemble des habitants et des étudiants, a pour objectif de sensibiliser à la question de la gentrification, un phénomène visible notamment dans le quartier d’Oumayma, situé au bord du canal de Molenbeek. Étudiante en architecture, elle possède un regard particulièrement aiguisé sur l’évolution des bâtiments de son quartier.
À travers une pièce de théâtre interactive qui est l’aboutissement du projet, les habitants partagent leur vécu et questionnent les politiques urbaines qui redéfinissent leur quotidien. « Beaucoup de spectateurs ne comprenait pas vraiment ce qui se passait dans leur quartier. Ils voyaient bien des changements, mais n’en saisissaient pas les enjeux », explique Oumayma. Meriam, la porteuse de projet, insiste sur l’importance de donner la parole aux habitants : « Trop souvent, les décisions sont prises sans nous. On nous consulte pour donner l’illusion d’une participation, mais en réalité, nos avis ne sont pas pris en compte. »
Un avenir incertain, mais une mobilisation grandissante
Oumayma a mis en lumière l’impact personnel de la gentrification en expliquant qu’elle vit encore chez ses parents dans un logement social, mais que l’accélération des projets de rénovation l’amène à se demander combien de temps ils pourront encore y rester. Un sentiment d’incertitude partagé par de nombreux habitants, qui voient leur quotidien bouleversé. Le coût social de la gentrification est en effet lourd, et pour Oumayma comme pour Meriam, la sensibilisation à ce phénomène est essentielle. « Si nous ne comprenons pas ce qui se passe, nous n’avons aucune chance d’agir », affirme Oumayma, avant de conclure avec espoir : « Informer, sensibiliser et donner la parole aux habitants, c’est notre meilleure arme contre une gentrification qui ne fait que déplacer les problèmes plutôt que de les résoudre. » Ces mots illustrent la mobilisation croissante des habitants, qui, face à un avenir incertain, cherchent à résister par l’art.