Société

Quand la mort fait partie du quotidien, comment le corps soignant en maison de repos arrive à en gérer la charge mentale ?

Face aux pertes régulières de résidents, le personnel en maison de repos doit parvenir à surmonter des vagues d’émotions parfois intenses. Chacun réagit et s’adapte différemment à ce travail qui n’est pas toujours évident.  

« Je pense que l’expérience fait beaucoup », explique Esperance, infirmière, « certes on s’attache mais il y a un certain recul qui s’installe ». Elle continue en développant qu’il est impossible de ne pas ressentir d’émotions mais qu’il faut faire la part des choses et que son rôle est de s’assurer que les résidents dont elle s’occupe mènent une belle fin de vie.  
Pour elle, ce sont surtout les circonstances du décès qui peuvent l’affecter. « Un suicide par exemple, ça touche mais on ne maitrise pas tout et il faut faire avec ».  

Cette opinion est partagée par plusieurs membres du corps soignant que nous avons pu interviewer. Angèle, cheffe infirmière, ajoute « Ce qui gêne, c’est ce qui aurait pu être évité. Si on ne met pas ce qu’il faut en place ou que le résident meurt dans la souffrance, là ça me dérange et ça reste avec moi ».  
Elle développe qu’à l’heure actuelle, nous vivons plus longtemps et que les conditions de vie sur la fin sont rarement agréables pour les résidents. Selon elle, ils voient la mort comme une délivrance et elle le ressent alors de manière aigre-douce.  

« Plus qu’un boulot, c’est une passion »

Pour beaucoup en maison de repos, choisir de s’occuper de personnes âgées est un choix. Ils choisissent cette branche du corps soignant par volonté d’aider et d’assurer les meilleures conditions pour leurs résidents.  

Lors de notre interview, Eloïse, logopède et soignante, explique que son travail déborde sur sa vie privée mais que c’est une volonté : « Je prends du temps, hors du boulot, pour mes résidents car être au service de l’autre est quelque chose que j’aime par-dessus tout ».  
Cependant, elle exprime aussi que c’est un métier qui peut entraîner des répercussions sur sa vie hors du travail et qu’il n’est pas toujours facile de jongler entre les deux : « Quand je quitte le travail, mon cerveau y est toujours et parfois, c’est bien, d’autres fois moins ».  

Nancy, aide-soignante, raconte « Travailler en maison de repos demande une fortitude mentale importante. Il y a le stress, l’anxiété et la fatigue. Ces choses sont à apprendre à gérer pour rester efficace ».   
Elle explique que les horaires décalés et la charge importante de travail font qu’elle a l’impression de ne plus assez s’occuper des siens ; « Ça joue sur le bien-être personnel ». 

Une charge psychologique 

Malgré l’ampleur de leur travail, les membres du corps soignant n’ont que peu d’accompagnement. Les diverses personnes interviewées ont confirmé qu’aucun système spécialisé n’est mis en place à leur lieu de travail. Si elles ont besoin de s’ouvrir ou de parler, c’est généralement auprès d’autres membres du personnel.  

« Ça devrait être dans la loi et mis en place mais ce n’est souvent pas le cas pour des raisons de gestion, de temps et autre », déplore Angèle. Elle explique que parfois, la direction va proposer quelques contacts auxquels se confier dans les périodes les plus difficiles mais rarement plus que cela.  

Malgré le manque d’un système qualifié pour les aider à naviguer le stress quotidien, les personnes avec lesquelles nous avons pu parler ont expliqué avoir mis au point différents moyens qui, pour elles, fonctionnent pour se relaxer et se préparer aux jours qui suivent.  

De la lecture, du sport ou de la musique…

Il n’existe pas de méthode absolue pour gérer la charge mentale apportée par le décès. Certaines arrivent à prendre du recul, d’autres y font face de manière plus directe.  
En fin de compte, chaque personne réagit différemment et le manque d’accompagnement les force à s’adapter. « Après tout, demain est une autre journée et il y a d’autres résidents qui ont besoin de nous » conclut Esperance.