La fin des nominations, un tournant pour jeunes enseignants
Avant, exercer dans l’enseignement signifiait, après quelques années, potentiellement accéder à une nomination synonyme de stabilité et de protection. Mais à partir de 2025, cette garantie disparaîtra. Pour les jeunes profs, c’est un grand tournant qui redéfinit leur avenir. On va à la rencontre d’Anissa, jeune éducatrice dans l’enseignement secondaire, qui va nous parler de sa perception de cette réforme.
Un CDI plutôt qu’une nomination, une avancée ou un piège? Pour les jeunes enseignants, la réforme du statut bouleverse les règles du jeu et soulève une grande question : enseigner sera-t-il encore un métier d’avenir ? Elisabeth Degryse ministre présidente de la communauté française affirme que cette mesure vise à lutter contre la pénurie d’enseignants.
Une stabilité en trompe-l’œil ?
Depuis plusieurs années, les acteurs de l’enseignement doivent remplir certains critères y compris attendre longtemps avant d’obtenir une nomination, un statut synonyme de sécurité et de stabilité de l’emploi. Pour certains, l’arrivée du CDI est perçue comme une solution qui permettra d’accéder plus rapidement à un contrat stable par rapport au CDD. Pourtant, cette stabilité est toute relative. C’est ce que nous confie Anissa, une jeune éducatrice en fonction depuis quatre ans : « Le CDI permettrait d’avoir une certaine stabilité dans le travail. Après quatre ans, je n’ai toujours pas de contrat fixe, et chaque mois, je ne suis pas assurée d’avoir un salaire stable. C’est angoissant. »
Si la nomination est vue comme un gage de protection, le CDI laisse place à plus d’incertitudes. Anissa s’inquiète « Le CDI peut s’arrêter à n’importe quel moment. Alors que quand on est nommé, il faut beaucoup de raisons avant d’être renvoyé. » Ce qui inquiète surtout les jeunes professionnels de l’éducation, c’est la nature du contrat. Le CDI peut être rompu par l’employeur avec un simple préavis.
Des nominations remplacées par du favoritisme ?
Un autre point de crispation concerne les critères d’embauche. Jusqu’ici, la nomination était basée sur certains critères, à savoir l’ancienneté, être de conduite irréprochable … et garantissait un accès « équitable » aux postes. Avec le CDI, les jeunes professionnels de l’éducation redoutent de nouvelles pratiques « En tant que directrice, si j’ai ma cousine et une autre personne qui postulent, je vais peut-être privilégier ma cousine, explique Anissa. Quand on est nommé, ce genre de favoritisme est bien moins possible. », dit-elle .
Certains craignent que le CDI débouche sur une instabilité plus grande encore : une précarisation des enseignants, qui devront sans cesse justifier leur emploi face à de nouveaux candidats. « Peut-être que cette réforme n’est que de la poudre aux yeux et cache autre chose», soupçonne-t-elle.
Anissa reconnaît que la réforme peut être rassurante pour certains, notamment ceux qui entrent tout juste dans la profession « Les jeunes vont se dire qu’ils pourront avoir une stabilité plus rapidement. Mais, en réalité, ça ne garantit rien. » Elle redoute une réforme qui, au lieu de valoriser l’enseignement, pourrait le rendre moins attractif. « Au lieu de se concentrer sur de meilleures conditions de travail, on modifie le statut. Mais si les enseignants étaient heureux dans leur travail, beaucoup de problèmes se régleraient d’eux-mêmes. »
Un impact sur l’engagement des jeunes enseignants
Quant à son propre avenir dans l’enseignement, Anissa reste partagée « Je ne compte pas quitter l’enseignement à 100 %, mais j’aimerais bien un jour réduire mon temps de travail et faire autre chose à côté. Il y a encore beaucoup d’avantages dans ce métier, mais ça devient de plus en plus compliqué. »

Une réforme qui divise
La suppression des nominations soulève de nombreuses interrogations. Officiellement, elle vise à dynamiser le secteur et à répondre à la pénurie d’enseignants, mais Anissa en tant que jeune dans l’enseignement y voit surtout une fragilisation de son statut. La question reste donc ouverte : cette réforme sera-t-elle une solution durable, ou un nouveau facteur de précarisation pour les enseignants de demain ?
