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Unia en danger, risque d’effet domino ?

Suite aux accords du gouvernement Arizona, une des principales institutions de lutte contre les discriminations est mise en péril. Pour Yves Lodonou, président du MRAX, cette décision traduit une volonté politique d’affaiblir les organisations engagées. Face à cette menace, il invite les militants à ne pas baisser les bras.

Parmi les accords annoncés par le nouveau gouvernement fédéral, l’un d’eux prévoit de diminuer de 25% le financement d’Unia, institution publique interfédérale luttant contre les inégalités et la discrimination.

« C’est scandaleux, scandaleux avec S majuscule, parce que l’UNIA c’est l’organisation étatique qui mène le même combat que nous qui sommes du monde associatif, s’indigne le président du MRAX ( Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie), Si l’UNIA même qui appartient à l’État, on lui fait mal, je crois qu’on va nous assassiner, c’est mettre en asphyxie tous ces mouvements qui vont perdre leur financement. » Yves Lodonou estime que les organisations défendant l’égalité, comme le MRAX, sont aujourd’hui plus qu’essentielles dans le pays. Face à la montée des extrêmes, l’augmentation des discours haineux, des attaques xénophobes et racistes, il juge indispensable de soutenir les acteurs engagés contre les discriminations, plutôt que de les affaiblir.  « Ce qu’on porte comme revendication, ce n’est pas des enfants gâtés qui pleurent, qui s’amusent, qui veulent jouer. C’est du sérieux. » Selon lui, la lutte contre le racisme et la xénophobie est un combat permanent. Cela ne peut se limiter aux décisions judiciaires, mais doit aussi passer par l’éducation, la sensibilisation et la mobilisation populaire. Il considère que c’est dans la rue, au sein même de la société, que cette bataille doit être menée. Pour lui, le pouvoir appartient au peuple, et c’est par son engagement collectif que le changement pourra s’opérer.

Militer, oui, mais à quel prix ?

D’après le militant, cette décision de couper le budget d’Unia reflète d’une réelle volonté d’affaiblir les institutions. Il a d’ailleurs pu observer directement ces effets, le week-end passé, lors d’une activité où de nombreuses associations anti-discriminations conviées n’ont pas répondu présentes. « Soudain, les gens ont peur d’aller dans des conférences, dans des manifs, de telle sorte qu’ils ne soient pas stigmatisés, qu’ils soient dans le collimateur du pouvoir. Ils ont peur de perdre des subsides » mais d’après Yves Lodonou ce n’est pas la bonne posture à adopter. « Rien ne doit nous faire peur parce qu’on ne fait rien de mauvais. On ne fait qu’exprimer des pensées par rapport à des actes qui ne sont pas corrects. » 

Il insiste sur l’importance de continuer la lutte et de porter ses revendications.

« L’oppression se nourrit de l’inaction. Donc, si on plie nos bagages, on est cuits.» 

Une responsabilité collective

« Je lance un appel à tout le monde, quelle que soit l’ampleur de la menace, nous devons continuer à rester debout et lutter. » Yves Lodonou pense que nous avons tous un rôle à jouer face à ces enjeux. En vue d’un avenir qu’il qualifie d’incertain, nous devons rester éveillés et vigilants. « Il n’y a pas de pays sans population et sans population, il n’y a pas de gouvernement, de parlement. On doit résister. Il faut que cette communauté reste debout pour pouvoir porter ses revendications. »

Face à la fragilisation, ces organismes de défense ont besoin de soutien. Grâce à l’entraide, il a encore espoir pour le futur « J’en appelle aussi à la société civile, aux concitoyens et concitoyennes, de rester la tête haute et de continuer à ne se mobiliser, à soutenir les revendications et à les porter, parce que si les communautés s’affaiblissent, tout est foutu. […] de soutenir les structures moralement, financièrement, tout ce qu’il faut. »

D’après lui la lutte pour un monde plus juste ne doit jamais faiblir, car c’est elle qui façonnera l’avenir de l’humanité. « Je pense qu’on peut faire un monde meilleur, un monde autrement. Et dans ce monde, les gens vivront sans peur, sans crainte, ni guerre, ni violence. C’est vrai que c’est de l’utopie, mais l’utopie d’aujourd’hui sera la réalité de demain. » 

Le 23 mars 2025, des centaines de citoyens se sont regroupés aux coté d’associations, ONG et syndicats pou manifester contre le racisme. Image par UnratedStudio de Pixabay