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À 22 ANS, SURVIVRE SOUS LES BOMBES À BUKAVU

À 22 ans, Nathalie Ngolo Kitoto rêvait d’un avenir paisible à Bukavu. Étudiante en sciences économiques, elle voulait ouvrir son propre commerce. Mais la guerre en a décidé autrement. Aujourd’hui, elle survit au jour le jour, au milieu des explosions et de la peur. Voici son histoire.

Nathalie a grandi à Bukavu, une ville vibrante du Sud-Kivu, connue pour son marché animé et son lac majestueux. Avant l’arrivée des rebelles du M23, elle menait une vie simple mais heureuse, partageant son temps entre ses études, sa famille et ses amis. « J’aimais passer mes après-midis au bord du lac Kivu, en rêvant de l’avenir », raconte-t-elle. Mais depuis l’offensive du M23, ce rêve s’est transformé en cauchemar.

Le 14 février 2025, tout a basculé. Des tirs nourris ont éclaté à l’aube. Les soldats congolais se retiraient, laissant la ville aux mains des rebelles. « J’étais dans ma chambre quand j’ai entendu des cris dehors. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu des hommes armés courir dans les rues », se souvient-elle. « J’ai eu peur, mais je ne savais pas encore que ce serait le début d’un long enfer. » 

Le quotidien sous l’occupation du M23

Depuis que Bukavu est tombée aux mains du M23, la vie est devenue une lutte pour la survie. Les magasins sont pillés, l’électricité et l’eau coupées par intermittence, et sortir dans la rue peut être mortel. Nathalie vit terrée chez elle avec toute sa famille. « Nous rationnons la nourriture. Il nous reste quelques sacs de riz, mais après, on va manger quoi ? » se demande-t-elle. La peur est constante. « On entend des coups de feu, presque chaque nuit. On ne sait jamais si ce sera notre tour d’être touchés. » 

Dans son quartier, les voisins s’organisent comme ils peuvent. Un groupe de jeunes hommes fait des rondes la nuit pour signaler d’éventuelles attaques. Les églises et mosquées se sont transformées en refuges pour les familles qui ont tout perdu. Mais cela ne suffit pas. « Les humanitaires ne peuvent plus entrer dans la ville, les routes sont coupées », explique Nathalie. Les rares aides envoyées sont souvent détournées par les combattants. « On a l’impression que personne ne nous entend. »

Fuir ou rester : Un dilemme impossible

Comme beaucoup d’autres, Nathalie a envisagé de fuir. « J’ai une amie qui a réussi à partir au Burundi, mais elle a tout laissé derrière elle. Moi, je ne peux pas abandonner ma mère. » Sa mère, souffrante, n’a pas la force d’entreprendre le dangereux périple vers la frontière. « Chaque jour, je me demande si c’est le bon moment pour partir. Mais où irions-nous ? Comment survivre là-bas ? »

Les témoignages des réfugiés arrivés au Burundi ou en Tanzanie sont alarmants. Les camps sont surpeuplés, les ressources insuffisantes. Certains sont refoulés à la frontière et forcés de revenir en RDC malgré les risques. « Fuir, ce n’est pas une garantie de sécurité », soupire Nathalie. 

Un avenir en suspens

Avant la guerre, Nathalie rêvait d’ouvrir sa propre boutique. Aujourd’hui, son seul objectif est de survivre. Ses études sont interrompues, ses amis sont dispersés, certains ont été tués. « J’avais des projets. J’avais une vie », dit-elle, la voix tremblante. « Maintenant, je ne sais pas si je verrai demain. »

Malgré tout, elle garde une lueur d’espoir. « Peut-être que la paix reviendra. Peut-être que je pourrai reprendre mes études. » Mais elle sait aussi que rien ne sera plus comme avant. « Ce que nous vivons aujourd’hui, personne ne pourra l’effacer. »

La communauté internationale condamne l’offensive du M23, mais les actions concrètes tardent à venir. Pendant ce temps, Nathalie et des milliers d’autres jeunes congolais continuent de vivre sous les bombes, dans l’ombre d’un avenir incertain.

« Je ne veux pas que ma jeunesse se résume à la peur », conclut-elle. « Je veux vivre. »