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Schaerbeek en crise : quand la situation politique paralyse des carrières


Quand les décisions ne tombent plus, c’est tout un fonctionnement qui vacille.

Vinciane passe un coup de chiffon sur le comptoir en inox de la cuisine du centre de vacances d’Ohain. À travers la fenêtre donnant sur la cour, elle aperçoit des enfants , insouciants, tandis qu’elle, reste enfermée dans l’incertitude. Depuis des années, elle veille au bon fonctionnement du site, entre gestion logistique et préparation des repas pour des dizaines de pensionnaires. Mais aujourd’hui, plus qu’à son service du midi, elle pense à son avenir bloqué par l’impasse politique de Schaerbeek.

Depuis octobre 2024, la commune est sans majorité politique. Les décisions restent en suspens, et les mutations professionnelles sont gelées. Comme Vinciane, d’autres travailleurs communaux voient leur avenir figé dans une attente interminable.

Une carrière dédiée à la commune

Depuis plusieurs années, Vinciane et son mari, Mohamed, consacrent leur quotidien à la commune de Schaerbeek. Mohamed a intégré le service des sports en 2004, suivi par Vinciane en 2005, en tant que professeure de cuisine dans une école secondaire. Leur engagement prend un tournant décisif en 2011, lorsqu’un appel d’offre de la commune leur permet d’intégrer un centre de vacances à Ohain, nécessitant un couple gestionnaire. Sélectionnés, ils s’installent sur place et assurent le bon fonctionnement du site. « C’était le job parfait pour nous : nous restons dans la structure communale, dans un meilleur cadre de vie pour notre fille et en travaillant avec mon mari », confie Vinciane.


Vinciane, prépare le dessert du jour en attendant sa mutation.
© Soraya Kahli

Au fil des années, la situation financière de Schaerbeek se complique. La commune fait face à des difficultés budgétaires de plus en plus lourdes, entraînant des coupes drastiques qui touchent plusieurs services, y compris le centre de vacances. Inquiète pour son avenir professionnel, Vinciane décide en début d’année 2024 de postuler pour un poste de concierge dans une école de la commune. « Nous étions bien ici, mais avec la situation financière de Schaerbeek qui se détériore et le centre de vacances attirant de moins en moins de monde, nous avons préféré prendre les devants et chercher ailleurs. On craignait que la commune finisse par revendre le centre, et dans ce cas, nous nous serions retrouvés sans emploi et sans logement, puisqu’il dépend aussi de la commune », explique-t-elle.

Retenue pour cet emploi, elle devait normalement commencer son nouveau poste en janvier 2025, un changement synonyme de retour à Schaerbeek et de déménagement. 

une mutation suspendue

Les élections communales d’octobre 2024 laissent Schaerbeek sans majorité, paralysant le fonctionnement du collège communal. Sans gouvernement en place, impossible de valider officiellement certaines décisions, y compris la mutation de Vinciane. Son changement de poste reste en attente, sans visibilité sur une date d’entrée en fonction.

Par ailleurs, la loge de concierge qui devait l’accueillir à Schaerbeek n’est pas encore prête. Les travaux nécessaires n’ont pas pu être fini, faute de budget validé, un autre effet direct de l’impasse politique. « Tout est bloqué, et nous n’avons aucune certitude sur la suite », confie Vinciane, exaspérée par cette situation.

Des employés contraints de s’adapter 

Les conséquences de cette situation ne concerne pas uniquement Vinciane. Mais Mohamed son compagnon, lui aussi, aurait voulu être affecté à un autre site en même temps que sa femme. Mais en raison de l’absence d’une majorité, aucun nouveau poste n’a été libéré, l’obligeant à rester sur son implantation actuelle à Ohain. « Tant que rien ne bouge politiquement, il n’y a pas de roulement. Cela signifie qu’aucun départ ne peut être compensé et que les opportunités restent figées :, explique-t-il.

Une fois que Vinciane pourra enfin intégrer son nouveau poste, Mohamed devra alors faire quotidiennement le trajet entre Ohain et Schaerbeek, faute de solution alternative. 

Une entrée en fonction retardée

Aujourd’hui, après plusieurs reports successifs, elle devrait finalement entrer en fonction en septembre 2025, soit huit mois après la date initialement prévue. Une attente qui souligne les problèmes d’un blocage politique sur le quotidien des ouvriers  communaux.

« C’est vraiment grave. Cent trente-six jours après les élections, aucune coalition n’a su être formée, tout est en attente », déplore Vinciane.

« Au-delà des ouvriers et des employés communaux, ce sont aussi les habitants qui en subissent les conséquences. Et en tant que future Schaerbeekoise, je ne peux qu’être inquiète pour l’avenir de ma commune. »