Voler plus vite et sans bruit ? Le pari du X-59
La NASA et Lockheed Martin testent le X-59, un avion expérimental conçu pour réduire le bang sonique. Une avancée technologique qui pourrait bouleverser le transport aérien. Mais entre enjeux écologiques, coûts démesurés et règlementations strictes, le supersonique commercial reste un pari incertain.

Paris–New York en 3h30. Tokyo–Los Angeles en moins de 6 heures. Le rêve du vol supersonique refait surface. Vingt ans après le retrait du Concorde, la NASA et Lockheed Martin veulent réinventer la vitesse dans les airs. Révolution annoncée ou mirage technologique ?
Le Concorde, un héritage à dépasser

Dans l’imaginaire collectif, le supersonique a un nom : Concorde. Fleuron franco-britannique, il atteignait Mach 2 et symbolisait la conquête technologique des années 1970. Mais son bruit assourdissant, ses coûts d’exploitation colossaux et le crash de 2000 ont précipité sa fin en 2003.Depuis, plus aucun avion commercial n’a franchi le mur du son. Pourtant, l’idée d’un retour fascine toujours ingénieurs, industriels et voyageurs. Le X-59 incarne cette ambition relancée, avec une promesse inédite : faire taire le bang sonique.
Le pari technologique du silence supersonique
Le X-59 ne ressemble à aucun avion. Long nez effilé, cockpit reculé, fuselage étroit : chaque élément sert un objectif unique — atténuer l’onde de choc supersonique. Là où le Concorde faisait trembler vitres et maisons, le X-59 ambitionne de produire un simple « pouf », équivalent à une portière qui claque.
« Les vols supersoniques sont des vols dont la vitesse est supérieure à celle du son. Le X-59 est conçu pour voler à 1,4 fois la vitesse du son, soit à environ 1 480 km/h. Aujourd’hui, les vols supersoniques s’accompagnent d’une détonation supersonique tonitruante ; ceux d’entre nous qui vivent dans la région sont familiers de ce bruit, »
Pam Melroy, administratrice adjointe de la NASA
Dès 2025, des tests au-dessus de zones résidentielles américaines permettront d’évaluer la perception sonore. Si le bruit est jugé acceptable, l’interdiction des vols supersoniques au-dessus des terres, en vigueur depuis 1973, pourrait être révisée.
Un gain de temps spectaculaire
Des vols transatlantiques deux fois plus rapides, des liaisons intercontinentales raccourcies de moitié : les avantages sont clairs pour les voyageurs d’affaires et le tourisme haut de gamme. Un Paris–New York en 3h30 bouleverserait les dynamiques économiques et re-dessinerait la carte des grandes métropoles. Dans un secteur aérien en quête de renouveau post-Covid, le supersonique représente une arme marketing puissante. Mais derrière cette promesse, des turbulences majeures persistent.
Des obstacles de taille
Économie. Le développement du X-59 dépasse déjà 600 millions de dollars. Et même si le modèle est validé, les billets risquent de rester réservés à une élite, comme à l’époque du Concorde. Le vol rapide ne sera pas forcément un vol pour tous.
Environnement. Le supersonique consomme plus de carburant, donc émet davantage de CO₂. À l’heure où l’aviation cherche à réduire son empreinte, la course à la vitesse interroge.
Règlementation. Même avec un bang atténué, convaincre les autorités de modifier les règles prendra du temps. Sans consensus international, le X-59 pourrait rester un démonstrateur sans application commerciale.
Une course mondiale incertaine
Le X-59 n’est pas seul sur la piste. La start-up Boom Supersonic travaille sur Overture, un appareil annoncé comme moins polluant et prévu pour 2030. En Asie, la Chine et le Japon investissent massivement dans la recherche supersonique. Mais pour l’instant, aucun prototype n’a encore volé à vitesse Mach.
Au-delà de la prouesse technique, une question fondamentale persiste : voulons-nous vraiment retourner au supersonique ? Plus vite, oui. Mais à quel prix humain, économique et écologique ?
Supersonique : rêve ou illusion durable ?
Le X-59 symbolise un tournant : celui d’une aviation qui tente de concilier progrès, rentabilité et conscience environnementale. Il relance un vieux rêve, tout en posant un nouveau dilemme.
“Il est difficile de se prononcer sur le réalisme des échéances annoncées »
Waldo Cerdan,ancien pilote et spécialiste en aéronautique
Les prochains essais le diront : véritable révolution aérienne… ou nouveau rêve suspendu dans les nuages.