Environnement

Consignes des canettes en Wallonie : pourquoi ça traine encore ?

Si la consigne des canettes semble être passé comme une lettre à la poste dans certains pays européens comme les Pays-Bas. En Belgique la pilule a plus que du mal à passer. En effet, cela fait déjà plus de dix ans que le projet reste sur la table. Entre pression des industriels, inertie politique et contraintes budgétaires… les raisons semblent multiples, mais restent floues. Chloé Schwizgebel, experte en gestion des déchets et membre de l’Alliance pour la Consigne, nous éclaire sur les blocages et les enjeux de cette réforme.

Quelles sont les causes du blocage ?


Pourquoi la Wallonie tarde-t-elle tant à adopter une mesure qui a fait ses preuves ailleurs en Europe ?


Alors, il y a plusieurs raisons.
L’une des raisons, c’est qu’en Belgique, dans les trois régions, il y a déjà le sac bleu de collecte, un système mis en place il y a longtemps. Les industriels qui ont installé ce système craignent que la mise en place d’une consigne en Belgique aille à l’encontre du sac bleu.
C’est donc un premier point. Ensuite, de manière générale, dans tous les pays où la consigne a été introduite, les supermarchés y sont relativement opposés, car cela leur demande de récupérer les emballages, alors qu’actuellement, ils sont pris en charge par le sac bleu.


Donc les hypermarchés et les grands industriels de la boisson jouent un rôle clé dans le blocage de cette mesure ?


Oui, il y a plusieurs groupes impliqués : les supermarchés et les producteurs. Ce qui est intéressant, c’est que les producteurs ne sont pas tous contre la consigne. Pour eux, c’est avantageux, car cela leur permet de récupérer des matériaux comme les canettes et les bouteilles de manière plus propre qu’avec le sac bleu, où tout est mélangé.
Mais comme ils vendent à des supermarchés, c’est plus compliqué pour eux de se positionner ouvertement en faveur de la consigne.


Y a-t-il un vrai débat au sein du gouvernement wallon ou s’agit-il d’un sujet relégué au second plan ?


C’est un vrai débat.
Le MR a toujours été très opposé à la consigne, alors que Les Engagés sont plutôt en faveur. Quand la DPR (Déclaration de Politique Régionale) a été mise en place en juillet, la consigne n’en faisait pas partie. Pourtant, au niveau européen, il y a des objectifs qui rendent la consigne obligatoire d’ici 2029.
Au sein du gouvernement, le MR est contre, tandis que Les Engagés sont plutôt pour. Et au niveau du Parlement, il y a aussi des discussions, puisque le PS et Écolo soutiennent la consigne.

Les conséquences ?


Quels sont les vrais impacts de cette attente sur l’environnement ? Cette inaction impacte-t-elle la gestion des déchets ?


Oui.
À l’heure actuelle, le fait qu’il n’y ait pas de consigne impacte la qualité du recyclage. Les emballages non consignés sont moins bien recyclés, car ils sont mélangés avec d’autres déchets.
À titre de comparaison, aux Pays-Bas ou en Allemagne, où la consigne existe, il y a beaucoup plus d’emballages contenant des matières recyclées, notamment pour les bouteilles en verre.


Si le système ne coûte pas si cher que ça, quels sont alors les vrais freins du gouvernement ?


Je pense qu’un des freins, c’est l’inconnu. Il y a déjà un système en Belgique, le sac bleu, donc il faut réfléchir à une transition.
Et comme tu le disais, il y a aussi le lobbying des industriels. Certains partis politiques au sein du gouvernement ont tendance à écouter davantage ces acteurs économiques.

Des solutions ?


D’après toi, qu’est-ce qui pourrait faire bouger les choses actuellement ?


Déjà, ce que je disais : le règlement européen.
L’Europe impose la consigne obligatoire d’ici 2029 pour atteindre certains objectifs de collecte sélective. Il existe des moyens d’éviter cette obligation, mais cela implique d’atteindre des taux de collecte beaucoup plus élevés que ceux qu’on a actuellement en Belgique ou en Wallonie.


Si tu avais un message à faire passer aux décideurs et aux citoyens sur ce dossier, quel serait-il ?


D’arrêter de faire traîner les choses.
La consigne, on en parle en Wallonie depuis 2011 ! Il faut arrêter d’attendre et de reculer pour mieux sauter, parce que la consigne va arriver de toute façon en 2029.
Autant mettre en place un bon système dès maintenant, plutôt que de le faire en dernière minute, ce qui risquerait de coûter plus cher aux citoyens.

Image de Chloé Schwizgebel via LinkedIn

Alors que la Wallonie tarde à trancher, la consigne deviendra quoi qu’il arrive une obligation européenne en 2029. Reste à savoir si la région prendra le train en marche tant qu’il est encore temps ou si elle s’obstinera à lui courir après.

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