Société

Des barreaux au burn-out

Le métier d’avocat est fascinant. Les plaidoiries passionnées, les dossiers stressants et les longues heures de travail créent une image attirante de la profession. Cependant, la réalité peut parfois être plus difficile que prévu. Céleste Marchal, une jeune avocate, nous partage son expérience de burn-out après seulement un an de pratique dans un grand cabinet.

Le burn-out touche de nombreux jeunes avocats : 56 % en ont frôlé un, et 64 % avouent pleurer sous la pression du métier. 20 % des avocats, dont 40 % de femmes, quittent le barreau dans les dix premières années. Céleste Marchal a tout donné pour réussir dans un grand cabinet, mais après un an, elle a dû faire face à l’épuisement. Dans cette interview, elle témoigne de son burn-out et de l’impact du stress sur sa santé mentale.

Pouvez-vous nous raconter comment tout a commencé ?

« Lorsque j’ai obtenu mon stage dans ce cabinet, j’étais extrêmement heureuse. J’avais travaillé avec acharnement pour atteindre cet objectif et j’étais prête à me donner à fond. Dès le début, j’ai réalisé que l’engagement requis était total : des journées sans fin, des week-ends sacrifiés, des clients exigeants… Malheureusement l’idée qu’un bon avocat doit être dévoué et toujours disponible est profondément enracinée dans la culture de la profession. »

À quel moment avez-vous senti que quelque chose n’allait pas ?

« C’était progressif. J’étais constamment fatiguée, mon sommeil était perturbé, et je ne mangeais pas correctement… Je pensais que cela finirait par passer, que c’était juste une période chargée. Il m’arrivait de pleurer en arrivant au travail, sans raison évidente. Mais dans ce métier, on ne s’écoute pas. L’important, c’est de tenir. »

Avez-vous essayé d’en parler au cabinet ?

« Oui, plusieurs fois. J’ai tenté de faire comprendre que ma charge de travail devenait insoutenable, que je n’arrivais pas à tenir le rythme. On m’a assuré que c’était habituel, que cela se passait de cette manière dans tous les grands cabinets, et que je finirais par m’endurcir avec le temps.

“Le rythme était inhumain, mais c’était la norme.”

« À chaque occasion, la réponse était de faire preuve de plus d’efficacité, de meilleure organisation et de plus grande résilience. »

Qu’est-ce qui a été le déclic ?

« Un jour, pendant que je finissais un dossier urgent, mon corps a cédé. Je me suis écroulée devant mon ordinateur, incapable de prendre une respiration. Selon le médecin, il s’agit d’une crise de panique. Il m’a ordonné de m’arrêter sur-le-champ et c’est à ce moment-là que j’ai compris que je ne pouvais pas continuer comme ça. »

Comment votre cabinet a-t-il réagi à votre arrêt ?

« Lorsque j’en ai informé mes supérieurs, leur réponse a été simplement : « Prends soin de toi, nous t’attendons avec impatience. » C’est comme si je m’étais fracturé une jambe et que tout serait rétabli d’ici deux semaines. Cependant, personne ne s’est soucié de me demander comment j’allais. Aucun sujet concernant ma charge de travail ou l’ambiance pesante du bureau n’a été abordé. »

Avez-vous envisagé de revenir après votre arrêt ?

« J’ai essayé. Mais en posant un pied dans le cabinet, j’ai senti que quelque chose était brisé. Alors j’ai pris une décision radicale, j’ai démissionné. »

Qu’est-ce que cette expérience vous a appris ?

« Que dans le milieu juridique, la santé mentale est un sujet tabou. On valorise la résilience, la capacité à encaisser, mais à quel prix ? Beaucoup d’avocats souffrent en silence, convaincus que c’est le jeu. Or, ce n’est pas normal de s’effondrer sous la pression à 24 ans.

« Je pensais que c’était normal d’être épuisée, que c’était juste le prix à payer pour réussir. Mais quand mon corps a lâché, j’ai compris que personne ne viendrait me sauver si je ne le faisais pas moi-même. Aujourd’hui, je ne veux plus jamais accepter qu’on glorifie l’épuisement comme une preuve de valeur. Ce métier, je l’aime toujours, mais plus à n’importe quel prix. »

Laura Marchal

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