Société

L’intelligence artificielle transforme l’école et pousse les professeurs à se réinventer

« Un élève sur deux triche avec l’IA ». Cette statistique alarmante a engendré une polémique dans le monde de l’éducation. Comment les enseignants ont-ils réagi à cette réalité où la connaissance est accessible en un clic ?

Élèves entrain d’utiliser l’intelligence artificielle à l’école
Photo de Thành Đỗ: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/bureau-etre-assis-ecole-etudiants-5530490/


« J’utilise l’IA pour faire mes devoirs, car je n’ai pas la force de le faire moi-même et c’est rapide », admet Léopold, 17 ans, étudiant en 6e secondaire. Comme lui, une majorité d’élèves voient en l’intelligence artificielle un assistant qui leur permet de réaliser rapidement un travail et d’accéder facilement à des informations complexes.

De leur côté, les enseignants redoutent une perte de l’esprit critique chez les élèves. « L’intelligence artificielle a énormément d’avantages pour gagner du temps parce qu’elle va synthétiser bien mieux que nous une série d’informations sur un sujet. Mais le souci, c’est qu’il faut encore pouvoir rédiger. Et à force de recourir à ces têtes qui sont tellement faciles d’accès, les jeunes perdent la capacité d’écriture. C’est vraiment dommage dans le sens où l’on devient complètement dépendant de l’outil et où l’on n’est plus capable de rédiger quelque chose soi-même », s’inquiète Anne Vanweimeerch, une professeure de français de la même école. Elle souligne que l’IA peut favoriser un apprentissage superficiel si elle n’est pas encadrée.

Un défi inédit pour l’éducation

Un autre défi majeur pour les professeurs est la détection des devoirs générés par l’IA. « Il est quasiment impossible de prouver qu’un texte a été écrit par ChatGPT », s’exclame-t-elle. « Même les logiciels anti-plagiat peinent à le détecter. Alors, on doit repenser nos évaluations. »

Face à cette révolution, les professeurs ont dû revoir leurs pratiques. « Je ne donne pratiquement plus de devoirs à domicile », explique l’enseignante, constatant que la majorité des élèves ont utilisé l’IA pour les réaliser. La correction est devenue inutile, montrant plus l’efficacité d’un algorithme que la réelle compréhension des élèves.

Pour lutter contre cette nouvelle forme de triche, les évaluations se font désormais en classe, sous haute surveillance. La professeure continue : « Pendant les interros, il y a toujours un sac sur le banc et, derrière, caché en dessous du sac, il y a le GSM. » Une course technologique s’est alors installée. D’un côté, des élèves toujours plus ingénieux pour dissimuler leur usage de l’IA ; de l’autre, des enseignants redoublant d’efforts pour préserver l’intégrité des évaluations.

L’usage croissant de l’IA a également soulevé des questions éthiques. Comment garantir une utilisation équitable entre ceux qui ont accès à ces technologies et ceux qui en sont privés ?

Selon le travail de recherche de Mauro Vicario, l’utilisation de l’intelligence artificielle n’est pas uniforme. Si un élève sur deux admet recourir à ChatGPT pour ses devoirs, tous ne l’utilisent pas de la même manière. Certains s’en servent comme simple outil d’aide à la rédaction ou à la compréhension, tandis que d’autres délèguent intégralement leur travail à l’algorithme.

De plus, les biais des algorithmes ont créé un autre problème : les IA, formées sur de grandes bases de données, ont parfois reproduit des stéréotypes et des erreurs. Un défi supplémentaire pour l’éducation, qui doit apprendre aux jeunes à décoder ces biais et à ne pas prendre ces outils comme des sources absolues de vérité.

Léopold évoque les menaces auxquelles les étudiants pourraient faire face : « Des fois, l’IA dit n’importe quoi, donc il faut bien vérifier qu’elle ne se trompe pas. » Ce discours illustre bien les limites de l’intelligence artificielle. Ses réponses ne sont pas toujours précises et fiables ; son utilisation sans réflexion peut donc rapidement devenir un piège.

Les professeurs face à l’IA : entre inquiétude et adaptation

Les élèves réclament une sensibilisation faite par leurs professeurs afin de les aider à utiliser l’IA de manière consciencieuse. Léopold s’exprime : « Plutôt que de bannir ChatGPT, on devrait apprendre aux élèves à s’en servir intelligemment. Par exemple, l’utiliser pour générer des quiz de révision ou synthétiser des sujets difficiles. »

« J’utilise l’IA pour faire mes devoirs, car je n’ai pas la force de le faire moi-même et c’est rapide »

Léopold delval

Mais certains professeurs restent sceptiques. Anne confie que, pour elle, miser sur la responsabilité des élèves face à l’intelligence artificielle est une illusion. Si certains comprennent l’importance d’apprendre par eux-mêmes, d’autres chercheront toujours à contourner les règles et à s’appuyer sur ces outils sans effort réel. « Il y a des élèves à qui on va faire la morale en leur disant qu’ils doivent acquérir certaines compétences, et qui vont comprendre et fournir des efforts pour travailler par eux-mêmes. Et il y a d’autres élèves qui sont des roublards et qui vont toujours essayer d’y recourir. »

L’IA est-elle une menace ou une alliée pour l’éducation ? La réponse reste incertaine, mais une chose est sûre : l’école ne peut plus ignorer cette révolution numérique. Les professeurs ont dû se réinventer pour préparer les générations futures à un monde où l’intelligence artificielle est omniprésente.

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