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Contrôleuse SNCB : « J’aime mon métier, mais cela jusqu’à quand ? »

Pendant neuf jours, la Belgique a connu une des plus longues grèves du rail de ces dernières années. Derrière ce mouvement, des travailleurs épuisés mais déterminés à se faire entendre. Parmi eux, Annick Boluwe, 35 ans, contrôleuse de train à Tubize. Entre passion pour son métier et frustration face à des conditions de travail dégradées, elle raconte son quotidien.

Un sourire qui cache la fatigue

Annick Boluwe a le regard vif et une voix posée. Elle porte fièrement son uniforme bleu marine, même si, ces derniers temps, il pèse un peu plus sur ses épaules. « Ce métier, je l’ai choisi, je l’aime », confie-t-elle. « Mais ces dernières années, la fatigue s’accumule. »

Contrôleuse depuis plus de dix ans, elle connaît les moindres recoins du réseau ferroviaire belge. De la Gare du Midi aux lignes régionales moins fréquentées, elle a tout vu : les usagers pressés, les trains bondés, les retards incompris. « On est en première ligne. Quand quelque chose ne va pas, c’est nous qui prenons », explique-t-elle.

Ces derniers mois, la pression n’a cessé d’augmenter. « Avant, on avait le temps de souffler entre deux trajets. Aujourd’hui, les effectifs sont réduits, et on enchaîne sans répit. On nous demande d’être partout à la fois : contrôle, sécurité, informations aux passagers. C’est épuisant. »

Une grève pour ne pas sombrer

Le mouvement a débuté suite à l’annonce de nouvelles coupes budgétaires et de suppressions de postes à la SNCB.

« On nous demande de faire plus avec moins », résume Annick. « Moins de personnel, plus de stress, et des conditions de travail qui se détériorent. »

Face à ces mesures, les syndicats ont appelé à la mobilisation. Annick n’a pas hésité à suivre le mouvement. « Ce n’était pas juste pour nous », insiste-t-elle. « C’est aussi pour les usagers. Si le service public s’effondre, c’est tout le monde qui en pâtira. »

Mais la grève n’a pas été sans tensions. « Certains passagers nous en voulaient. J’ai eu des insultes, des regards noirs », confie-t-elle. « Je comprends la frustration. Mais nous aussi, on souffre. »

Sur les réseaux sociaux, les réactions ont été virulentes. Certains dénonçaient une prise en otage des travailleurs, tandis que d’autres soutenaient le mouvement. Annick s’est tenue à distance des polémiques. « Je préfère parler directement avec les gens. Quand on leur explique notre réalité, beaucoup comprennent. »

Le retour à la réalité

Quand la grève a pris fin, Annick a repris le service avec une pointe d’appréhension. « On savait que ça allait être tendu. Certains trains ont redémarré avec du retard, et les usagers n’étaient pas toujours compréhensifs. »

Elle raconte une scène marquante à Bruxelles-Midi :

« Un homme s’est approché de moi et m’a dit : À cause de vous, j’ai perdu neuf jours de salaire. Vous allez me les rembourser ?’ » Un moment difficile, mais qui illustre bien le fossé entre les attentes du public et la réalité des cheminots.

Un avenir incertain

Annick ne sait pas ce que l’avenir réserve aux cheminots belges. « J’aimerais dire que ça va s’arranger, mais on attend toujours des réponses claires du gouvernement. »

Elle s’inquiète pour ses collègues plus jeunes, ceux qui viennent à peine d’entrer dans la profession. « Ils découvrent un métier passionnant, mais dans des conditions de plus en plus difficiles. On risque d’avoir une génération qui abandonne vite. »

Pourtant, elle refuse de baisser les bras. « Ce métier, c’est une vocation. Mais une vocation, ça ne suffit pas à payer les factures, ni à supporter des conditions de travail qui se dégradent. »

Alors, Annick continue, jour après jour, à sillonner les rails, à contrôler les billets, à guider les passagers. Avec l’espoir que, demain, les trains ne rouleront pas seulement à l’heure, mais aussi dans de meilleures conditions pour tous.