La Foire du Livre 2025 : la Gen Z s’invite au festival
La Foire du Livre revient comme chaque année à Bruxelles avec ses plus de 75.000 visiteurs. Parmi eux, la fameuse Gen Z, la génération hyperconnectée, qui « délaisse le monde réel pour celui des réseaux sociaux », sera-t-elle présente pour faire taire les stéréotypes à son sujet ?
D’après le Centre National du Livre, chez les 15 à 24 ans, la génération Z, on voit un déclin réel pour la lecture. Ils le disent aux mêmes, un jeune sur 5 assume ne pas lire du tout. Ces observations sont quantitatives, mais qu’en est-il du qualitatif ?
La Gen Z à l’heure au rendez-vous
Je me suis rendue à la Foire du Livre ce samedi 15 mars 2025 pour observer mes pairs, les jeunes amateurs de lecture. Et ils sont, contre toute attente, bel et bien présents au festival. Ils sont arrivés à Tour & Taxi en groupes bruyants de 3 à 5 personnes. Parfois en duo, mais quasiment aucun d’entre eux n’était seul. Moi-même j’étais accompagnée. Dans la longue file pour entrer, les jeunes hommes manquaient à l’appel : c’est une observation que relève également Statbel. En effet, 24% des femmes lisent au moins 10 livres par an contre seulement 15% des hommes sondés. À l’intérieur, très difficile d’avancer. Les petits enfants, les couples de parents, les adultes passionnés de livres sont nombreux et l’espace parait restreint, presque irrespirable.
Mais où sont passées ces jeunes filles rencontrées dans l’interminable queue ? Elles se sont rendues sans perdre de temps dans les rayons de leurs maisons d’édition favorites pour acheter des livres à faire dédicacer. Leurs yeux pétillent devant ces éditions collector disponibles uniquement sur place. C’était l’occasion à ne pas manquer malgré des prix assez exorbitants. Cette année, elles ne sont pas là pour regarder les stands décorés, découvrir des genres littéraires ou converser avec les commerçants. Ni même pour participer aux quelques activités accessibles. « On vient depuis 8, 9 ans ? », commence Elena, pas très sure. « Non depuis 10 ans ! On vient ensemble depuis 10 maintenant. », confirme sa copine Pascale. Elles ont toutes les deux 25 ans et viennent surtout pour flâner et acheter des livres à faire dédicacer par leurs autrices préférées. Et en tant qu’habituées, elles affirment « Il n’y a pas plus de jeunes au fil des années… des enfants oui, il y en a toujours beaucoup […] Mais cette année avec le Romance Corner c’est vrai qu’il y a pas mal de jeunes… », Elena se reprend finalement.

La romance au cœur du festival
Elles sont efficaces ces lectrices, ont un itinéraire à respecter et des ouvrages à faire signer. Comme Neyla et Nora, 17 ans, deux jeunes filles abordées dans la file des dédicaces. Elles discutent de façon animée, des grands sourires aux lèvres, excitées d’être là. « On fait la file pour rencontrer Delinda Dane et puis on ira voir Laura Swan », m’apprend Neyla. « Je lis surtout de la romance et de la fantaisie, elle aussi », ajoute-t-elle en pointant vers son amie Nora. Une autre Nora, 22 ans cette fois, que j’ai approchée dans la file d’un Meet and Greet avait l’air tout aussi impatiente. « Je suis là pour rencontrer Azra Reed. J’ai amené mes livres, mais j’en achète aussi ici. », me dit-elle.
Après avoir laissé cette dernière dans la queue, je regarde autour de moi. J’ai avancé vers le Romance Corner sans m’en rendre compte, suivant les groupes de jeunes filles, comme le Petit Poucet a suivi les miettes de pain dans son conte. Et elles sont toutes là, au stand Sweets & Books à acheter des livres et des goodies, à bavarder en montrant les dédicaces dans leurs livres, à faire la file devant le chapiteau pour le prochain Meet & Greet comme Nora.

« C’est vrai qu’il n’y a quasiment que des filles », j’observe à haute voix. Chez les jeunes femmes de 15 à 24 ans, la romance est un genre littéraire qui détrône tous les autres. C’est pour elles qu’a été créé pour la première fois cette année ce Romance Corner, un bon coup publicitaire et marketing pour le festival. Comme l’expliquent les organisateurs du festival, c’est un genre qui a connu un véritable essor ces dernières années et qu’il est important de mettre en avant pour le légitimer davantage. Et s’il connait autant de popularité, c’est grâce aux réseaux sociaux, les outils favoris de notre génération Z.
Le fil conducteur des recommandations
« Je connais ça… je l’ai vu sur Tiktok… ça aussi j’ai vu passer sur Tiktok… apparemment c’est bien, je l’ai vu sur Tiktok… », mon amie Erina s’exclame pendant notre visite du Romance Corner. Chaque couverture colorée qui attire l’œil, elle l’a vu sur Tiktok ou Instagram auparavant. Il est clair que les réseaux sociaux ont leur mot à dire quant aux livres qu’achètent les jeunes lectrices. Peut-être bien qu’ils sont le seul argument. « Je regarde beaucoup sur les réseaux sociaux quand je veux acheter un livre, sur Insta surtout. », partage Nora. C’est aussi le cas de Neyla ou encore Elena. Pascale, elle, était cependant catégorique. « Je vais en librairie et je choisis au hasard, sinon je prends les recommandations d’amies. Non, non, jamais sur les réseaux sociaux. », finit-elle. Sur les réseaux sociaux, ce sont toujours les mêmes livres qui sont mis en avant, il n’y a pas beaucoup de place pour la nouveauté ni la diversité. « Ce n’est pas très positif », conclut Pascale.
Au coin romance on se croirait au marché . Les filles se bousculent, elles parlent forts, prennent rapidement le dernier exemplaire sur le stand ou soufflent contre les prix élevés. Il est apparent, cependant, qu’elles soient heureuses d’être là. Elles sourient, soupirent face aux jolies couvertures et se font vite convaincre d’acheter l’ouvrage dans leurs mains. La romance rassemble, c’est une « safe place », comme la décrit la Gen Z. Même si on y voit les mêmes recommandations, on peut être sûr que tout le monde a lu le même livre que nous et qu’on trouvera quelqu’un avec qui en parler et débattre. Et c’est ce qui fait de la lecture une activité de groupe pour ces jeunes filles arrivées à plusieurs au festival, le bonheur de partager son avis et avoir des débats après avoir fini sa lecture.
Le papier remplacé par le numérique ?
La Gen Z est une génération qui ne fait confiance qu’à ses pairs et aux réseaux sociaux, mais surtout qui évolue avec son temps. Elle est super connectée malgré elle. Il ne faut pas chercher très loin, une solution pour combattre ce déclin de l’envie de lire se trouve dans leur profil… Les tablettes numériques pour lire existent déjà mais elles n’innovent pas assez. La génération Z s’ennuie facilement et si la technologie pouvait les surprendre pour leur donner enfin envie de lire un peu plus ?
