La place du Ramadan dans une société laïque : entre spiritualité, solidarité et tensions
Chaque année, des millions de musulmans à travers le monde observent le Ramadan. En Belgique, et particulièrement à Bruxelles, ce mois prend une dimension unique, reflet de la diversité et du dynamisme de la communauté musulmane locale malgré les tensions générer avec la police.
Neuvième mois du calendrier lunaire islamique, le Ramadan commémore la révélation du Coran au prophète Mahomet. Durant cette période, les fidèles s’abstiennent de manger, de boire, de fumer et d’avoir des relations intimes du lever au coucher du soleil. Mais au-delà de ces privations, ce mois est avant tout une période d’autodiscipline, d’éveil spirituel et de renforcement des liens communautaires.

Je me suis rendu dans le quartier Bonneville, à Molenbeek Saint-Jean peu avant le début du Ramadan, afin d’observer l’affluence des passants.
« Le Ramadan est bien plus qu’un jeûne. C’est un cheminement intérieur, un retour à l’essentiel »,
Loubna Liam
Dans le quartier Comte de Flandre à Bruxelles, plusieurs associations et mosquées organisent des actions solidaires pour aider les plus démunis. Chaque soir, des distributions de repas chauds permettent à tous de rompre le jeûne dignement. En plus des repas, des collectes de vêtements sont organisées pour les sans-abris et les familles précaires. Ces initiatives sont rendues possibles grâce à la générosité des habitants et des bénévoles qui se mobilisent tout au long du mois.
Solidarité et surveillance
Aziz, bénévole dans une mosquée du quartier, souligne que cette dynamique de solidarité ne se limite pas au Ramadan : « Même en dehors du Ramadan, il y a des distributions alimentaires, des collectes de vêtements et des aides diverses. Mais durant ce mois, l’élan de générosité est encore plus visible et renforcé . »
Si le Ramadan est une période de partage, il est aussi synonyme de rassemblements nocturnes, notamment après la prière du soir. Dans certains quartiers, la présence policière s’intensifie à ces occasions, ce qui n’est pas toujours bien perçu par les jeunes.
Soufiane, 19 ans, habitant du quartier, exprime son ressenti : « Franchement, je trouve ça pas normal. Après la prière du soir, on reste un peu dehors pour discuter, profiter du moment, et direct, la police débarque pour nous disperser comme si on faisait quelque chose de mal. On sent bien qu’ils nous surveillent différemment juste parce qu’on est là après la prière. Ils nous regardent comme si on était des suspects, alors qu’on ne fait rien de mal. »
Si les autorités justifient cette présence par la nécessité d’assurer la sécurité, une partie de la jeunesse perçoit cette surveillance accrue comme une forme de stigmatisation. Ce sentiment d’injustice peut alimenter un climat de défiance et renforcer les tensions.
Un équilibre entre respect des traditions et société laïque
Dans une société laïque comme la Belgique, le Ramadan soulève des questions sur la place des traditions religieuses dans l’espace public. Si la majorité des Belges reconnaît l’importance de la liberté de culte, certains débats persistent sur la visibilité de la religion dans les lieux de travail ou les écoles.
Pour Loubna, le défi réside dans la compréhension mutuelle : « On ne demande pas à tout le monde de suivre nos pratiques, juste de respecter ce moment important pour nous. Le Ramadan, c’est aussi une leçon de tolérance et de cohabitation. »
Ainsi, au-delà de la dimension religieuse, le Ramadan à Bruxelles révèle les dynamiques d’une société en constante évolution, où cohabitent traditions, solidarité et débats sur l’espace public. Un équilibre fragile, mais nécessaire, pour une meilleure compréhension et un vivre-ensemble harmonieux.
